Il y a des anniversaires que l’on fête plus que d’autres. Le festival de cinéma italien arrive en 2011 à sa 15e édition : comme n’importe quel jeune de quinze ans, il est en pleine croissance et il grandit à vue d’œil d’une année à l’autre. Nous sommes les premiers à nous en réjouir.

Il y a aussi des dates qui se célèbrent : comment pourrait-on oublier le lancement imminent et solennel, de l’autre côté des Alpes, du 150e anniversaire de l’unification de ce pays – si ancien, si jeune – qui peine parfois à s’accorder sur une même tonalité, mais a toujours su (et saura encore !) réinterpréter avec entrain et originalité sa musique profonde. Nous sommes les premiers à y croire.

Mais alors, si c’est d’une fête qu’il s’agit, pourquoi l’inaugurer en évoquant l’une des saisons les plus troubles de l’histoire italienne, qui a vu les peuples de cette Europe aujourd’hui apaisée s’affronter une dernière fois avec une indicible férocité ? Eh bien parce que, comme le dit le réalisateur Giorgio Diritti, le pire qui puisse arriver à un pays c’est qu’il perde sa mémoire, qu’il finisse par oublier sur quelles tragédies et, surtout, sur quels grands et ambitieux espoirs s’est construite son identité. Et puis, raison de plus, il y a dans L’uomo che verrà, comme souvent dans le cinéma italien, ces regards d’enfants qui pointent sans illusions la brutalité du monde adulte : lorsqu’on voit avec quel entêtement ils se saisissent de leur destin, on a très envie de partager encore un bout de leur long chemin.

On le remarquera sans doute : un petit air de musique suit l’apparition de ces personnages, qu’il s’agisse (comme pour Martina, dans L’uomo che verrà) de la plus douce des berceuses ou (comme pour Bruno, dans La prima cosa bella ) de la plus obsédante de chansonnettes. On ne va quand même pas se laisser dire que l’Italie est le pays de la musique ! Pourtant, des films de cette année se dégagent des mélodies enivrantes, des thèmes déchirants : c’est l’adieu de Claudio à l’être aimé et perdu à jamais (La nostra vita), ou le couplet hilarant qui rythme le voyage de quatre musiciens disloqués (Basilicata coast to coast), le tango qui emporte au plus loin les belles amours improbables (Il richiamo), le refrain goguenard et insolent d’une différence définitivement assumée (Mine vaganti). Et que dire de cette dernière, inoubliable valse par laquelle l’Italie, dans l’une des plus somptueuses fresques qu’on ait faites de son histoire (Il gattopardo), prend congé de son long passé de division …

On l’aura compris, la sélection des films de l’année 2011 est de celles qui continuent de nous habiter même une fois qu’on a quitté la salle, de celles qui nous captivent d’abord et qui nous reviennent ensuite sans cesse. Irresistible, comme une chanson italienne.

Gloria Paganini